Comité d'experts "Eau sans chlore" : interview du Professeur di Martino

Dernière mise à jour :  vendredi 7 octobre 2022

La distribution d’une eau sans chlore est une démarche novatrice en France. Pour relever ce défi, le SEDIF a mis en place un comité d’experts « Eau sans chlore » regroupant des universitaires français et étrangers, des maîtres d’ouvrages pratiquant l’eau sans chlore et des institutionnels.

Le rôle de ce comité repose sur le partage des connaissances et des expériences pour définir les conditions nécessaires à la distribution d’une eau sans chlore.

 

3 questions à...Patrick Di Martino, professeur à l'université de Cergy-Pontoise, spécialiste en microbiologie.

 

- En quoi la distribution d’une eau sans chlore est-elle une démarche novatrice en France ?

La distribution d’une eau sans chlore reste l’exception en Europe. C’est le cas à Amsterdam et Rotterdam aux Pays-Bas, Odense au Danemark, Lausanne et Zurich en Suisse, et Grenoble en France. Ces métropoles distribuent une eau sans chlore à une population variant de quelques centaines de milliers à environ 1,5 million d’habitants. Ainsi 382 000 habitants du bassin Grenoblois répartis sur 30 communes consomment une eau sans chlore. Avec 135 adhérentes et plus de 4 millions d’habitants, la distribution d’eau sans chlore sur le territoire desservi par le SEDIF peut sans aucun doute être considérée comme novatrice.

 

- Quels sont les bienfaits attendus pour l’usager ?

Le chlore est utilisé pour garantir la biostabilité de l’eau distribuée de la sortie de l’usine de production jusqu’au robinet du consommateur. On entend par biostabilité, la maîtrise du développement des micro-organismes qui peuvent être générateurs de mauvais goûts, voire de risque sanitaire pour le consommateur. Le second paramètre majeur qui permet d’assurer cette biostabilité de l’eau est la maîtrise de la matière organique dans l’eau après traitement. Là encore, cette matière organique peut être à l’origine de mauvais goûts, servir de nutriment aux micro-organismes et favoriser leur développement. La distribution d’une eau sans chlore nécessite donc une optimisation de l’abattement de la matière organique dans l’eau distribuée. En absence de chlore et avec des concentrations extrêmement faibles de matière organique, c’est une eau aux propriétés organoleptiques de grande qualité qui sera distribuée.

 

- Quel regard portez-vous sur le projet d’Osmose Inverse Basse Pression du SEDIF ?

Le SEDIF a une longue expérience d’utilisation de technologies de pointe pour produire une eau potable de grande qualité avec la filière membranaire de l’usine de Méry-sur-Oise développée dans les années 1990. Cette filière basée sur la Nanofiltration (NF) permet d’éliminer de nombreux micropolluants et de produire une eau potable contenant très peu de matière organique à partir d’une ressource, l’eau de l’Oise, qui contient une forte teneur en matière organique dissoute. Le procédé de NF permet également la production d’une eau plus douce décarbonatée. L’Osmose Inverse Basse Pression est un procédé de filtration membranaire encore plus performant que la NF en termes d’efficacité de filtration. Grâce à ses pores dix fois plus petits que ceux de la NF, elle est capable d’éliminer un plus large champ de micropolluants, pesticides, résidus de médicaments, et perturbateurs endocriniens.

 

Ce gain de performance permet de suivre l’évolution des connaissances scientifiques sur les effets néfastes sur la santé de l’exposition aux micropolluants et d’anticiper l’évolution de la réglementation qui impose régulièrement le suivi et l’abattement de nouveaux micropolluants. L’utilisation de pressions basses, en comparaison de l’osmose inverse utilisée pour le dessalement d’eau de mer, permet de limiter la consommation d’énergie liée à ce type de procédé. C’est un point important dans le contexte actuel de changement climatique et d’augmentation du coût de l’énergie.

 

Interview extraite du magazine Inf'Eau de novembre 2021.

L'Inf'Eau de novembre 2021